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Le nouveau pape élu vendredi matin?

Le cardinal chinois John Tong Hon, 73 ans, marche à pas lents le long de la via della Conciliazione, recueilli et modeste. C’est la première fois que son pays-continent est représenté à un conclave, et personne ou presque ne le reconnaît. Pendant qu’il chemine dans l’indifférence de la foule, des pèlerins échangent sur le trottoir à propos du futur pape. « J’aimerais qu’il ait à la fois l’autorité et la bonté, ainsi qu’une grande ouverture aux différentes cultures. Pas facile d’avoir toutes les qualités en un seul homme ! », dit une collégienne française en pèlerinage à Rome.

De fait, le profil du successeur de Benoît XVI, que les cardinaux ont cherché à définir entre eux pendant une semaine, est celui d’une personnalité alliant le charisme et la « poigne ». Ainsi les deux « papabili » les plus proches du pape émérite, ses héritiers spirituels – l’autrichien Christoph Schönborn, archevêque de Vienne, et l’italien Angelo Scola, archevêque de Milan – auraient déjeuné ensemble ces dernières heures, pour se mettre d’accord, sachant très bien qu’ils ont ensemble les clés de l’élection. Ils écrivent l’histoire, et influencent profondément le Collège cardinalice. L’un, parlant sept langues, proche de l’Eglise orthodoxe, est une figure « christique » voire prophétique, capable de soulever les foules comme Jean-Paul II, tandis que l’autre est un « patron » de grande envergure, spécialiste du dialogue avec les musulmans, soutenu en dernière analyse par les puissants cardinaux américains et allemands. Durant le conclave qui s’ouvre mardi, ces deux géants de l’Eglise catholique seront les témoins de la figure tutélaire du pape émérite. Aucun des 115 cardinaux électeurs, dans le secret de la chapelle Sixtine, ne pourra en effet ignorer la volonté supposée de Benoît XVI : mener à bien l’accomplissement de son pontificat, en pleine « Année de la foi » pour l’Eglise catholique, cinquante ans après le concile Vatican II qui a voulu donner toute leur place aux fidèles laïcs dans l’Eglise, et notamment aux femmes, ce qui se réalise dans les nouveaux « mouvements » tels que Communion et Libération ou les Focolari. Il ne s’agira donc pas d’élire un pape dans une stratégie de rupture, dont sont adeptes quelques évêques idéologues, mais de porter sur le siège de Pierre l’homme d’Eglise qui aura à cœur d’agir dans la continuité de son prédécesseur, comme un « fils spirituel », et qui saura entretenir avec lui des relations de loyauté, allant prendre conseil auprès de « l’ancien » reclus dans son monastère, à deux pas des appartements pontificaux… Ce « ticket » inédit de deux papes aura sans doute valeur d’exemple pour le travail en commun de tous les membres de la Curie romaine, à commencer par le futur Secrétaire d’Etat, le Premier ministre dirions-nous, et les chefs de « dicastères » qui devront se réunir en « conseil des ministres », ce qui n’existait pas ou plus au Vatican. Le pape réformateur attendu sera à n’en pas douter un conservateur éclairé, ouvert et fidèle, sans concessions pour les adeptes d’une tradition fossilisée. Même si la Curie romaine a voulu hâter l’entrée en conclave, un consensus s’est peu à peu formé pour la date du 12 mars, comme si des ententes avaient pu se nouer entre les « dissidents » étrangers et l’administration centrale italienne, prélude à une élection mois difficile que prévue. D’ici l’entrée en conclave, les réunions informelles entre cardinaux se multiplient, les noms pour un possible Secrétaire d’Etat comptant désormais autant que ceux des papabili. Le bon sens diplomatique veut que si le pape n’est pas italien, son Premier ministre le soit, et inversement…
En attendant le premier tour de scrutin, mardi après-midi, les travaux d’intendance s’accélèrent. Les chambres de la maison Sainte Marthe se préparent à accueillir les cardinaux réunis en isolement pendant quelques jours, les jardiniers du Vatican retournent le terrain où seront plantées les fleurs dessinant le blason du nouveau pape, visible par les visiteurs depuis la coupole de la basilique Saint-Pierre, tandis que le parquet de la Sixtine est adapté aux installations qui feront de ce lieu un véritable « cénacle », coupé du monde, où la prière du « Veni Creator Spiritus » prévaudra enfin sur tous les calculs humains. Quatre tours de scrutin sont prévus chaque jour. Benoît XVI fut élu en vingt-quatre heures. Il semble que l’élection qui s’annonce rappelle celle de Jean-Paul II, élu en huit tours de scrutin, ce qui augure une fumée blanche à partir du jeudi 14 mars, peut-être vendredi midi, et la messe d’intronisation présidée par le nouveau pape dès dimanche prochain, jour des Rameaux. Si européens et « américains » se bloquent mutuellement sans réussir à départager les favoris, les noms les moins cités pourraient surprendre, comme celui du sri lankais Albert Ranjith, passionné de liturgie à la manière de Benoît XVI, et surtout de l’indien Telesphore Toppo, engagé auprès des plus déshérités dans la lignée de Mère Teresa… Un premier pape asiatique, déjouant tous les pronostics ? Les défis essentiels que le nouveau pape devra en tout cas relever ont été soulignés par les cardinaux en « Congrégations générales » : l’unité des chrétiens, condition nécessaire de la crédibilité de l’Eglise, et le dialogue interreligieux, en particulier avec l’islam qui se propage démographiquement sur les ruines de l’égoïsme hédoniste occidental. Un cardinal électeur confiait samedi en forme de synthèse, avant le conclave : « La main tendue par Benoît XVI aux traditionnalistes n’a pas été saisie, la page est tournée puisqu’ils n’ont pas compris leur chance historique, mais, comme le cardinal chinois le souligne par sa seule présence, les urgences de l’évangélisation nous pressent dans le sens d’une effective « fraternité universelle » qui à terme l’emportera sur le choc des civilisations ». Le Sacré Collège des cardinaux s’est au moins mis d’accord sur l’essentiel en constatant que seule une annonce positive et joyeuse du christianisme pourra réconcilier l’Eglise avec la société, dans « l’esprit de miséricorde » du bienheureux Jean-Paul II.

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