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Ambulances : un défi pour les hospitalités

La disparition des voitures-ambulances : un défi pour les hospitalités

Embarquement 2

Le Pèlerinage du Rosaire 2014 aura donné lieu à la toute dernière circulation des fameuses voitures ambulances sur les voies ferrées françaises. Symbole fort : le dernier voyage aura transporté des pèlerins-malades des institutions hospitalières de Berck-sur-Mer, le véritable cœur battant de l’hospitalité du Rosaire de Flandres-Artois-Picardie. Depuis 1948, une incroyable histoire de fidélité s’est tissée, en effet, entre une hospitalité principalement lilloise et animée par plusieurs « familles du Nord », et les personnes souvent très handicapées des institutions de long séjour, sur la Côte d’Opale, à Berck-sur-Mer.

Jeanine de Cagny, une des pionnières de l’aventure, raconte : « Courant 1948, j’avais été contactée par des hospitalières de l’équipe régionale, me demandant de « choisir » des malades dans les hôpitaux de Berck, pour les accompagner à Lourdes… Je n’étais jamais allé à Lourdes… Mon mari, médecin des hôpitaux, me conseilla vivement d’accepter. Je devais donc trouver douze personnes, faire leur dossier et les préparer à ce long voyage.

Le train de Calais s’arrêtait deux heures à Rang-du-Fliers afin de monter nos malades. Ils étaient tous allongés sur leurs « gouttières » (une planche de bois avec un dur matelas) ils ne devaient jamais la quitter, ne pouvant marcher. Pour les monter dans leur compartiment, il fallait passer par la fenêtre, ils en étaient très effrayés.

J’étais seule de Berck à les accompagner et inquiète de ce qui m’attendait. J’ai eu la grâce d’être accueillie par les hospitaliers de Lille avec beaucoup de gentillesse ; nous sommes devenus depuis ce jour, des amis inséparables. Cette amitié soudée entre Lille et Berck a vraiment été source de grande richesse.

Combien d’histoires pourrions-nous raconter sur ces premiers voyages !… Nous mettions plus de quinze heures pour arriver à Lourdes dans de vieux wagons inconfortables. Mais, dans toutes choses, il y a un côté positif : nous avions le temps de connaître nos malades, de beaucoup les entourer et de parler avec eux, ce qui est très important. Leurs inquiétudes s’apaisaient et leur joie faisait plaisir à voir !… » (Extrait de : Le Rosaire, Histoire du Pèlerinage, édité par la Fédération du Pèlerinage du Rosaire en 1998)

Au cours des années, les équipements ont évolué. Depuis les années 80, les pèlerinages français avaient à leur disposition des voitures dites « ambulances ». Quarante couchettes par voiture, dans le sens de la marche, avec un accès très large pour faire monter à bord les civières et les fauteuils roulants. Dans ces voitures, au confort très rudimentaire, il était possible de délivrer aux pèlerins-malades les soins nécessaires, avec la possibilité de faire intervenir simultanément des soignants de part et d’autre de la couchette. Indispensable, dans bien des cas.

Au fil des années 2000, il est apparu progressivement que le matériel arrivait à bout de course. Des négociations et des études ont été menées en vue de produire de nouveaux matériels qui auraient pu prendre la relève et permettre de continuer l’aventure. Las. Les finances ne suivaient pas, ni chez les organisateurs de pèlerinage, ni à la SNCF, ni du côté des pouvoirs publics. La volonté politique a également fait défaut. En 2010, il a fallu se rendre à l’évidence : la circulation des trains Corail avec ces fameuses ambulances allait prendre fin. C’est ce qui arrive aujourd’hui. Cette disparition a été programmée sur plusieurs années et le projet arrive aujourd’hui à son terme.

Il est vrai que des solutions existent, qui permettent de répondre grosso modo à la demande. Les hospitalités, avec les pèlerins-malades, apprennent à s’organiser dans les TGV qui sont mis à leur disposition. En particulier, des « kits TGV » sont fournis, qui permettent de transformer un ensemble de deux sièges face à face en une couchette pouvant accueillir un pèlerin-malade. Il y a une évolution des pratiques et des habitudes qu’il s’agit d’accueillir avec bonne volonté et optimisme.

Cela dit, il faut aussi repérer les risques majeurs liés à cette évolution pour notre hospitalité et notre projet de pèlerinage. Car le TGV n’apporte pas la solution à tous les problèmes, et il ne suffit pas de dire qu’il est « plus confortable » et « plus rapide » pour avoir le dernier mot.

En premier lieu, une hospitalité dans un TGV est une hospitalité qui transporte la plupart de ses pèlerins-malades en position assise. Dans une rame de TGV, il n’y a guère plus d’une douzaine d’emplacements pour disposer les kits TGV : la chose ne peut se faire que dans les voitures de première classe, et seulement dans certaines configurations matérielles bien déterminées. Au grand maximum, un double TGV Atlantique (avec 900 voyageurs à bord) pourra accueillir 20 ou 25 malades en position couchée. Ce chiffre doit être comparé aux quelques 160 couchettes dont nous disposions il y a quelques années avec quatre voitures-ambulances.

En second lieu, il est bien clair que les kits TGV n’offrent pas les mêmes possibilités pour le personnel soignant. L’intervention des soignants ne peut avoir lieu que d’un seul côté, dans des conditions précaires.

En troisième lieu, l’accès même au TGV est beaucoup plus restrictif que l’accès à une voiture-ambulance : la porte d’une voiture TGV fait à peine plus de 85 cm de large, bien en deçà de ce qu’il faudrait pour embarquer les pèlerins-malades les plus corpulents. Ces derniers sont désormais condamnés à rester sur le quai…

En quatrième lieu, un TGV n’a pour ainsi dire aucune capacité pour transporter du matériel… et en particulier les fauteuils roulants très volumineux des pèlerins-malades qui ne peuvent se tenir assis que dans une coquille adaptée à leur morphologie et leur handicap.

Le danger serait, pour nous, de se satisfaire de cette situation, et de renoncer purement et simplement à emmener avec nous les personnes les plus lourdement handicapées. Ici, c’est tout le dynamisme de l’hospitalité qui est en jeu. Car les plus handicapés sont ceux qui donnent à notre hospitalité sa raison d’être et sa vocation. Si nos amis de Berck-sur-Mer ne nous entraînaient pas à Lourdes chaque année, les plus jeunes des hospitaliers de la région n’auraient peut-être pas répondu à l’appel. Si nous n’avions pas besoin de gars vraiment costauds pour conduire tel ou tel pèlerin handicapé jusqu’à la grotte, les bras nous feraient défaut.

Si nous nous résignons à ne plus conduire à Lourdes que des pèlerins « fatigués » ou « du grand âge », notre hospitalité elle-même montrera bientôt des signes de fatigue et de vieillissement.

L’enjeu, pour nous, est de nous défier de la tentation du confort et de la vitesse.  Ne cédons pas aux sirènes du « tout-TGV » ! Il nous faut « faire avec le TGV », mais sans nous en accommoder. Le TGV ne répond pas à tous nos besoins. Il faut trouver d’autres solutions… et donc trouver d’autres interlocuteurs et prestataires que la SNCF.

L’année prochaine, en 2015, l’hospitalité de Flandres-Artois-Picardie tentera l’expérience avec un car PMR, capable d’embarquer 10 pèlerins-malades lourdement handicapés, avec une vingtaine d’accompagnants hospitaliers. Ce sera une première expérience, à laquelle je ne participerai pas moi-même, puisque j’aurai déjà passé la main. Mais j’espère de tout cœur que, d’ici quelques années, des solutions pérennes seront mises en œuvre pour continuer l’œuvre de l’Hospitalité du Rosaire, dans toute son ampleur et jusque dans ce qu’elle semble avoir de déraisonnable.

Voici donc qu’avec la fin des voitures-ambulances, c’est une page de l’histoire de notre hospitalité qui se tourne. Nous la tournons résolument, sans regret ni amertume, mais avec la conscience de ce que cette disparition nous place devant des défis nouveaux, qu’il faudra beaucoup de courage et d’imagination pour relever. Qu’à l’intercession de Notre-Dame de Lourdes, le Seigneur nous vienne en aide !

frère Lionel Gentric, o.p. – Directeur régional du Pèlerinage du Rosaire – Région de Flandres-Artois-Picardie

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