Les évêques et Internet

Après s’être intéressés en 2011 aux enjeux anthropologiques d’Internet, les évêques réunis à Lourdes en assemblée plénière de Printemps se sont penchés mardi 27 mars sur ses enjeux pédagogiques et éducatifs.

Mgr Nicolas Brouwet, nouvel évêque de Tarbes et Lourdes, qui pilote le groupe de travail « Internet et l’Église » mis en place au printemps 2011, a ouvert cette nouvelle étape de la réflexion par quelles que questions essentielles : quelle nouvelle psychologie est en train d’émerger ? Quel type de relations ? Comment les apprentissages sont-ils modifiés ? Comment se hiérarchise l’information ? Quel nouveau rapport au savoir, à l’autorité à la vérité se met en place ?

Jean Caron, professeur de philosophie en classes préparatoires du centre Daniélou de Rueil-Malmaison et au séminaire diocésain de Versailles, a ensuite présenté six domaines dans lesquels, selon lui, Internet modifie profondément les manières de vivre, la rationalité et les rapports aux autres, avec les opportunités et les risques que cela comporte.

Six domaines où Internet modifie les manières de vivre

Le rapport au corps : « La transmission du savoir n’est plus, comme avant, incarnée par un professeur a-t-il souligné, ce qui est un atout puisque cela permet une continuité dans l’acte d’apprendre, mais interroge sur le processus d’identification et la place de l’affectivité ». Le virtuel : « Il permet de franchir les limites du possible, a-t-il constaté, mais peut aussi effacer les frontières entre le réel et l’irréel ». Le rapport au temps : « Les jeunes sont fascinés par la vitesse et la rétroaction immédiate, mais, a-t-il interrogé comment apprennent-ils à entrer dans la durée, la patience, la complexité des choses, de la hype attention comme disent les Américains, à la deep attention, autrement dit à l’intériorité ? ». L’esprit critique : « Comment les aider à échapper au conformisme et aux effets de mode ? comment les aider à discerner le vrai du faux ? ». La relation à l’autre : « Internet reconfigure les relations mais risque de favoriser les liens entre semblable plutôt que le vivre ensemble ». L’unification enfin : « Le savoir sur Internet est de l’ordre de l’éclatement, a-t-il rappelé. Comment aider les jeunes à passer de ce savoir à une forme de sagesse ? À avoir une tête bien faite comme disait Montaigne, plutôt qu’une tête bien pleine ».

Identifier des priorités

«Mon objectif, explique Jean Caron est de conduire les évêques, ensemble, à prendre conscience de la profondeur des transformations en cours, qui vont encore s’accélérer, et de les aider à accompagner ce mouvement avec vigilance et confiance. À la Renaissance, l’invention de l’imprimerie a modifié radicalement les rapports à soi-même et aux autres, mais la Renaissance a aussi été capable de forger un humanisme, de mettre les évolutions au service de l’homme. Ce que nous vivons aujourd’hui est du même ordre. L’Église, qui est le plus grand spécialiste de la transmission, peut aujourd’hui être une instance qui met du sens dans les tuyaux d’Internet »

Après ces deux interventions, les évêques ont travaillé à identifier des priorités, notamment en matière de formation des jeunes à l’usage intelligent d’Internet, mais aussi des formateurs, qu’il soit responsables de catéchèse, de mouvements, de séminaires…

Enjeux pastoraux

En novembre 2011, lors de l’Assemblée plénière d’automne, les évêques avaient abordé les aspects anthropologiques et éthiques d’Internet. Le théologien Henri-Jérôme Gagey, professeur au Theologicum de l’Institut catholique de Paris, ainsi qu’Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la Commission nationale informatique et libertés (Cnil), membre du Conseil d’État, avaient alors été invités à prendre la parole par le groupe de travail.

Après avoir exploré les enjeux éducatifs, les évêques devraient aborder à l’automne prochain les enjeux pastoraux, réfléchir à la manière dont l’Église peut et veut répondre aux défis du numérique, mais aussi à l’utilisation qu’elle peut en faire pour la pastorale, par exemple dans le domaine de la catéchèse. Ils auront alors en main les résultats de l’enquête lancée dans les diocèses sur le sujet.

Martine de Sauto, à Lourdes