La prière peut triompher sur la guerre
«Oui, la puissance de la prière peut triompher sur la guerre !»
Ce 7 septembre la place Saint-Pierre de Rome est devenue, plus que jamais, le cœur du monde : nous étions une multitude – 100 000 personnes, autant qu’il y a eu de morts en Syrie – pour invoquer la Reine de la Paix, en réponse à l’appel inspiré lancé par le pape François. « Plus jamais la guerre », avait-il répété lors de l’Angélus historique du dimanche précédent, invitant tous les hommes de bonne volonté à une journée de jeûne et de prière pour la paix, la veille de la Nativité de Marie, dans un esprit de pénitence face au conflit syrien et à ses répercutions prévisibles. « Marie, Reine de la paix, prie pour nous », concluait-il, après avoir proposé à toutes les Eglises particulières de vivre cette journée de jeûne et d’organiser des actions liturgiques à cette intention.
Pareil évènement peut-être comparé à l’initiative de Jean-Paul II, lors de la journée de prière des religions pour la paix, le 27 octobre 1986. J’y avais réalisé à l’époque mon premier reportage, pour l’hebdomadaire Semaine Provence. De mémoire de journaliste c’est cependant la première fois qu’une telle veillée de prière pour la paix, à dimension interreligieuse, s’est déroulée place Saint-Pierre, associant toute l’humanité à cette démarche spirituelle, tandis que menace une nouvelle guerre mondiale aux conséquences apocalyptiques. Le problème syrien est lié à l’antagonisme entre les Alaouites d’une part, qui gouvernent à Damas, alliés des Chiites, et la majorité sunnite. Cette guerre civile fait des ravages. Après les aventures guerrières de l’Afghanistan où rien n’est réglé, de l’Irak où les Chiites sont arrivés au pouvoir, et de la Lybie où règne l’anarchie, le « gendarme du monde » – qui a inventé des armes de destruction massive là où il n’y en avait pas – va-t-il attaquer la Syrie en soutenant indirectement des « rebelles » islamistes sunnites se réclamant d’al Qaida ? Au prétexte de la monstrueuse attaque chimique du 21 août à Damas – dont on ne connaît cependant toujours pas avec certitude les commanditaires – un prix Nobel de la paix, Obama, ira-t-il jusqu’à déclencher une intervention armée d’envergure, alors que de nombreux grands pays y sont fermement opposés, spécialement la Russie ? Déjà des navires russes sont entrés en Méditerranée occidentale, et les deux camps se préparent. Tout le monde a compris que le but de la manœuvre américaine est d’isoler l’Iran chiite, jusqu’ici grand ami de Damas, et d’affaiblir le parti chiite Hezbollah, très puissant au Liban, en jouant la carte de l’extrémisme adverse, ce qui ne peut rien produire de bon, notamment pour les chrétiens de la région, catholiques ou ortodoxes, aux prises avec une stratégie machiavélique d’épuration.
« L’Amérique se trompe, elle a perdu le statut de leader mondial », commente Lech Walesa, le tombeur de l’idéologie marxiste, à qui Andrzej Wajda consacre un film récemment présenté au festival de Venise. « La solution est politique et non militaire », ajoute par exemple le prix Nobel de la paix Pérez Esquivel, argentin comme le pape François dont il relaie l’appel, aux côtés de personnalités de toutes obédiences, favorables à la négociation pour éviter une déflagration planétaire.
Lors de sa rencontre fin août avec le souverain hachémite, le roi Abdallah de Jordanie, quelques jours avant de lancer son appel à la prière, le pape François avait insisté sur la nécessité du dialogue, comme unique option pour la paix au Moyen Orient. Il a à nouveau souligné l’urgence d’une solution pacifique dans une lettre importante adressée le 4 septembre à Vladimir Poutine, président de la grande Russie orthodoxe, qui accueillait cette année le G20 à Saint Pétersbourg. La majorité des leaders des pays les plus riches du monde ont d’ailleurs refusé de cautionner les plans du Pentagone, mettant en garde contre l’influence terriblement négative qu’aurait une action militaire pour l’économie mondiale.
Ainsi, tandis que « l’ombre d’un conflit mondial s’épaissit », selon les mots de mon confrère Ivan Rioufol dans son excellent blog (blog.lefigaro.fr/rioufol), nous nous sommes retrouvés des dizaines de milliers sur la place Saint-Pierre, accordés dans un même élan d’espérance. Le pape est resté quatre heures avec nous, de 19h à 23h, donnant l’exemple du recueillement, et provoquant une espérance universellement partagée. Il y avait notamment beaucoup de familles, avec des bébés dans leurs berceaux. Des confesseurs souriants étaient à la disposition de tous, selon la volonté de François, désireux de mieux nous faire prendre conscience que la vraie paix naît du cœur de l’homme réconcilié.
Après le chant émouvant du Veni Creator, l’icône de la Vierge, Salus Populi Romani, a été portée de l’obélisque jusqu’au podium pontifical, avant la récitation des mystères joyeux du Rosaire. Tandis que le pape touchait avec foi l’icône abondamment fleurie, chère à son cœur – celle qu’il avait tenu à aller vénérer à Sainte Marie Majeure, au lendemain de son élection, il y a moins de six mois – nous retenions notre souffle, spirituellement unis comme dans un immense cénacle à ciel ouvert, sous le manteau étoilé de l’Immaculée.
Pris dans ce climat d’immense douceur, alors que des oiseaux chantaient encore au coucher du soleil, nous invoquions la Reine de la Paix après chaque dizaine de chapelet, notre méditation étant merveilleusement rythmée par le son de la harpe. De longs moments de silence, la lecture de textes écrits par sainte Thérèse de l’Enfant Jésus en l’honneur de Marie, tout concourait à l’intériorité durant cette veillée extraordinaire, suivie en direct par des millions de téléspectateurs grâce aux télévisions du monde entier.
La lecture d’un passage d’Evangile tiré de saint Luc racontant la naissance du Christ, où il est question de Quirinius, « gouverneur de Syrie », m’a spécialement touché, alors que sur la place des chrétiens de Damas agitaient des drapeaux syriens comme un dernier appel au secours. Puis nous avons entonné les litanies de la Vierge, Stella matutina – « Etoile du matin » – … et Regina Pacis, « Reine de la paix » selon le nom avec lequel elle se présenterait depuis 30 ans à Medjugorje…
Le pape a ensuite pris la parole, délivrant son message avec gravité et sérénité. Comme lors de l’homélie qui inaugura son pontificat, en la fête de saint Joseph, le 19 mars dernier, il nous a demandé d’être gardiens les uns des autres, de nous sentir responsables de nos frères, au contraire de Caïn qui tua Abel par jalousie (Génèse 4,9). Les idoles de l’intérêt personnel, de l’égoïsme, produisent la mort, l’élimination de l’autre considéré comme un rival, et de là viennent les guerres, le chaos, dont seule la croix du Christ peut nous libérer par le moyen du pardon, du dialogue et de la réconciliation : c’est l’essentiel de ce que j’ai retenu, en prenant quelques notes de pèlerin sur mon livret liturgique distribué en début de veillée. Personnellement il m’a été donné de pardonner ce soir-là à tous ceux qui m’ont fait du mal, et je pense que beaucoup d’entre nous ont reçu le même cadeau spirituel, fruit de l’Esprit Saint qui gouverne nos âmes.
« Pardon, dialogue, réconciliation, sont les paroles de la paix : dans la nation syrienne tant aimée, dans le Moyen Orient, et dans le monde entier », a souligné le pape, évoquant spécialement les enfants, nous exhortant à devenir tous, dans nos milieux, des hommes et des femmes de réconciliation et de paix, en cherchant d’abord le bien de l’autre.
Le Saint-Sacrement a été exposé par la suite, et, à genoux pour ceux qui le pouvaient, nous avons sans doute remué le cœur de Dieu, avec une foi collective à soulever les montagnes. Deux enfants ont lu une prière écrite par le futur saint Pie XII, le pape de la seconde guerre mondiale qui fit preuve d’un immense courage et à qui l’histoire saura de plus en plus rendre hommage. L’encens fut offert par des couples venus de Syrie, d’Egypte, de Terre Sainte, des USA et de Russie… L’intensité de la présence divine se faisait quasi physiquement sentir, augurant d’un immense miracle pour l’humanité, si elle accepte de se mettre à l’écoute de son Créateur.
L’office des lectures ouvrait prophétiquement l’avenir, avec en particulier un passage où Jérémie conseille le roi en vue de la paix (Jérémie 37, 21 ; 38, 14-28). Près de moi deux dames des Philippines venues de Suisse, Aileen et Shineth, commentaient en langue anglaise cette veillée : « Sortir de la spirale de la douleur et de la mort, choisir un autre chemin, c’est possible pour tous, à commencer par nous, du plus petit au plus grand. Répondons avec le pape : oui, nous le voulons ! ».
François, nous ayant tous bénis avec le Saint-Sacrement, insista en conclusion pour que la prière pour la paix continue à se faire insistante dans les jours qui viennent. Il l’a redit à l’Angélus, dimanche, depuis le balcon de son bureau, dénonçant au passage les fauteurs de guerre que sont les vendeurs d’armes, et adressant un salut spécial aux frères chrétiens orthodoxes, en la fête de la Nativité de la Vierge, sachant que beaucoup de chrétiens syriens sont membres de cette Eglise. Fait rare, dans sa lettre à Vladimir Poutine le pape s’était aussi confié à sa prière (“While requesting your prayers”)… Son nouveau Secrétaire d’Etat nommé le 31 août dernier, Piero Parolin, le plus jeune à ce poste depuis « l’après-guerre », aura la difficile tâche de conduire la diplomatie du Saint-Siège dans la tempête mondiale que risque de provoquer les frappes américaines, si elles sont décidées cette semaine : prions pour lui de tout notre cœur, et pour tous les responsables confrontés à cette crise internationale dont l’issue dépend aussi, en partie, de notre fidélité au rendez-vous de Dieu, en cette Année de la foi, dans un silence intérieur pleinement habité par Son amour. Oui, la puissance de la prière peut triompher sur la guerre !
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