Il ne s’agit pas de faire plus
…mais d’aimer davantage
Dans l’hémicycle Sainte Bernadette, où les évêques de France étaient réunis pour leurs travaux il y a à peine quinze jours, les responsables français d’ordres et de congrégations religieuses tiennent cette semaine leur assemblée générale.
«La récente oeuvre cinématographique sur les moines de Tibhirine exprime fortement le sens de notre vocation religieuse, le combat spirituel, la solidarité avec les gens… », se réjouit le Frère Nicolas Capelle, Frère des Ecoles Chrétiennes, président de la Conférence des religieux et religieuses de France (Corref). Depuis les trappistes vêtus comme dans le film « des hommes et des dieux», jusqu’aux religieuses en civil qui vivent dans les cités, la grande variété de styles laisse entrevoir la multiplicité d’engagements des quelque 400 participants venus représenter environ 40 000 religieux et religieuses, hormis les moniales regroupées dans un autre organisme national.
Il y a deux ans la Corref est née d’une volonté de rapprochement entre les branches masculine et féminine des instituts de vie apostolique ou monastique.
«Nous trouvons dans la mixité de cet échange fraternel la complémentarité et le dynamisme nécessaire pour innover avec des projets communs face à de nouveaux défis », explique soeur Thérèse Revault, Fille du Saint-Esprit, secrétaire générale de la Conférence.
Réunis sur le thème inspiré de l’épisode des disciples d’Emmaüs – «en temps de crises, il fait route avec eux » – les supérieurs et supérieures majeurs expriment le désir non pas de suivre un « idéal » théorique, mais une personne, le Christ, par « l’authenticité d’une oblation volontaire ».
Ce choix de vie fait apparaître les religieuses et religieux comme des « précurseurs créatifs pour demain », selon les mots de Jérôme Vignon, président des Semaines Sociales, intervenant devant la Conférence sur la base d’une vingtaine d’expériences communautaires partagées. Pour sa part l’économiste Elena Lasida, professeur à l’Institut Catholique de Paris, voit en eux des «guetteurs de vie nouvelle», donnant la priorité à la relation humaine, à l’interdépendance, dans une société confrontée à l’isolement et aux grandes solitudes.
«Ce n’est pas d’abord en fonction des actions à mener que nous nous unissons, mais pour approfondir et renforcer le sens de notre engagement. Les trois voeux, de pauvreté, de chasteté et d’obéissance, parce qu’ils favorisent notre liberté intérieure, permettent à chacun d’entre nous de se tenir avec d’autres, à l’écoute, gratuitement », souligne Frère Jean-Pierre Longeat, Abbé de Ligugé. Invité à rencontrer l’assemblée, le Frère Aloïs de Taizé, insiste précisément sur le rôle des religieux pour écouter les personnes en attente de raisons de vivre dans une société en perte de sens.
« Donnons-nous pleinement à cette écoute, c’est essentiel, et découvrons que l’écoute des autres nous enrichit », dit-il, évoquant le secret pastoral de Frère Roger : « Il ne s’agit pas de faire plus, mais d’aimer davantage ». Frère Aloïs, longuement applaudi quand il relie célibat et louange – « le vide peut-être habité par la joie de l’attente » – cite aussi son ami le Père Marcellin Theeuwes, prieur de la Grande Chartreuse, pour qui « il faut consentir quotidiennement à ne voir qu’un versant de la montagne, et oser croire que notre vulnérabilité est une porte par laquelle Dieu entre en nous pour que la terre et le ciel s’unissent… ».
Religieux et religieuses en « réseau »
« Les collaborations entre nos communautés sont stimulées, car nous travaillons de plus en plus en réseau, spécialement dans le cadre des provinces ecclésiastiques », constate soeur Florence de la Villeon, Soeur du Sacré-Coeur, vice-présidente de la Corref. Ainsi par exemple les supérieurs et supérieures majeurs cherchent ensemble à Lourdes comment répondre à divers appels d’évêques : pour une présence missionnaire plus forte dans le secteur des plages du débarquement, en Normandie, ou encore, dans l’est, en faveur de la création d’un espace d’écoute pour les familles de détenus…
Participant à l’assemblée générale de la Corref, à Lourdes, Mgr Jean-Louis Papin, président de la commission épiscopale pour la Vie consacrée, considère que les religieux et religieuses gagnent ainsi à s’unir au delà de l’ancienne distinction entre les engagements contemplatif ou apostolique, allant au fondement de leur vocation commune. Confrontés aux difficultés de l’âge et du nombre, ils passent grâce à cette nouvelle organisation « de la vallée des jérémiades au mont des béatitudes », selon les mots d’une religieuse. « Les plus jeunes notamment se retrouvent régulièrement dans les provinces, et c’est pour eux une source de grand dynamisme ». Ils ne sont qu’un millier de moins de 45 ans en France, et leur seconde rencontre mixte nationale aura lieu en janvier 2012.
«Plus largement, eux comme leurs aînés, témoignent que le fait d’être minoritaires n’est pas synonyme d’insignifiance», remarque Mgr Papin, faisant référence là aussi à «l’esprit de Tibhirine».
Contact: Corref. 3, rue Duguay-Trouin, 75006 Paris.
secgen@corref.fr
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