Les évêques de France sont « un peu perdus »
#Lourdes – Présidentielle, comme leurs fidèles, les évêques de France sont « un peu perdus »
L’Assemblée plénière de printemps s’ouvre mardi 28 mars à Lourdes à huis clos, dans un contexte troublé par les « affaires » visant les candidats à la présidentielle.
Alors que leur texte sur la politique avait reçu un bon écho fin octobre, la parole des évêques se fait rare. Certains reconnaissent « ne pas savoir pour qui voter ».
L’ambiance risque d’être lourde. Les évêques français, réunis ce matin à Lourdes pour leur assemblée de printemps, le pressentent. Plus encore qu’en novembre où, déjà, les abus sexuels commis par des prêtres avaient bousculé le planning, les discussions informelles devraient révéler que le désarroi qu’ils sentent dans la société n’épargne pas les catholiques, et pas davantage leurs évêques.
La publication par le journal Mediapart du résultat d’un an d’enquête sur la pédophilie dans l’Église et la diffusion simultanée par France 2 d’une émission de Cash Investigation consacrée au sujet en font partie. Agacés par « ces additions pas honnêtes » entre des affaires « vieilles de trente ans » et d’autres plus récentes, le manque de « recul » aussi et « de vision historique » de leurs – jeunes – auteurs, certains ne veulent voir là que le énième épisode d’une « campagne médiatique », et comptent surtout « entourer les confrères mis en cause ».
« Tout le monde est discrédité aujourd’hui »
Mais d’autres reconnaissent que « les questions posées », elles, restent « entières ». « Cette logique de “On en veut à l’Église” n’est plus audible », affirme ainsi un évêque récemment nommé, pour qui cette « pression journalistique qui nous oblige à aller plus vite, plus loin, n’est pas si mauvaise ».
« Tout le monde est discrédité aujourd’hui : les journalistes, les musulmans, les politiques, et nous l’Église », regrette un de ses confrères, las de « faire les frais » de ceux qui – « au sein de l’Église – ne veulent pas voir la réalité ». « Il nous faut vraiment changer d’attitude et partir des victimes », affirme-t-il.
Évêque auxiliaire de Paris, Mgr Éric de Moulins-Beaufort le reconnaît : l’émission de Cash investigation « était dure à entendre, mais salubre ». « On ne peut pas nier que c’est sérieux. Tout cela montre que les mesures que l’on a décidées, et sur lesquelles nous sommes d’accord, doivent être appliquées partout, ajoute-t-il. Cela exige que l’on s’en occupe très rapidement ».
À l’évidence, la « crédibilité » de l’Église se trouve là engagée. Avec le risque, sans une réaction à la hauteur des attentes, d’éclipser toute autre prise de parole, sur d’autres sujets. Fin octobre, le texte publié en amont de l’élection présidentielle par le conseil permanent de la conférence épiscopale – Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique – avait été bien reçu dans la presse et dans les cercles politiques : plusieurs avaient salué une réflexion de fond, rare dans le paysage électoral. Depuis, plus rien ou presque, si ce n’est des conférences dans les paroisses ou les mouvements. Pourquoi ce silence médiatique ? « D’abord, on ne vient pas toujours chercher les évêques. Ensuite, certains d’entre eux ont peur des médias », reconnaît l’un d’eux, qui sait aussi à quel point, pris par les problèmes de leur diocèse, « ils manquent aussi de temps pour prendre du recul, développer une analyse plus générale ». Le risque de « récupération médiatique », d’« hyperpersonnalisation » achève de décourager les plus audacieux. « On en reste à des généralités », regrette Mgr Dominique Rey (1), évêque de Fréjus-Toulon, pourtant classé parmi les francs-tireurs, dénonçant une « médiacratie qui annihile une certaine liberté de parole ».
Dans un épiscopat privé « de grands ténors », selon la formule d’un de ses membres, l’hospitalisation pendant plusieurs semaines de son président, Mgr Georges Pontier, archevêque de Marseille, et celle aujourd’hui du cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris, pèsent aussi lourdement. « Dans un contexte troublé, ils sont capables, d’habitude, de tracer un chemin », résume un vieux routard des assemblées de Lourdes.
Or, après le séisme du Brexit, l’élection de Donald Trump aux États-Unis et les attentats qui se succèdent aux quatre coins du monde, « les gens sont à cran, déboussolés, voire tétanisés dans la société, relève un autre évêque. Ils le sont aussi dans l’Église, il n’y a pas de raison qu’on y échappe ». « La société a manifesté son unité après les attentats, mais on sent aussi que cette unité est fragile », complète Mgr de Moulins-Beaufort. L’enlisement de la campagne électorale dans les sables des « affaires » a achevé de déboussoler les électeurs. En particulier, souligne un autre évêque, ceux qui soutenaient François Fillon, « surtout compte tenu des positions que le candidat LR avait prises, se présentant explicitement comme chrétien et s’appuyant sur les réseaux de Sens commun… »« Pour en avoir parlé avec les évêques de ma province, la campagne prend un tel tour que nous sommes, nous aussi, un peu perdus », reconnaît un évêque qui voit surtout autour de lui « beaucoup d’indécis » et redoute, en prenant la parole, « d’ajouter à la cacophonie généralisée ».
« Qu’est-ce qu’on fait ? »
Entre évêques, même de bords opposés, le sujet n’est plus tabou, jurent plusieurs d’entre eux, en citant l’invitation de Marion Maréchal-Le Pen, il y a deux ans, à l’université d’été du diocèse de Fréjus-Toulon et dont ils ont pu discuter lors de l’assemblée suivante. « Le mot “débat” est un peu fort, je parlerais plutôt de “juxtaposition d’avis différents”, souligne l’un d’eux en forme de litote. Mais au moins, tout le monde s’exprime ». Aussitôt, un de ses confrères nuance, qualifiant les échanges de « pudiques ».
Une question grave pourrait troubler cette ambiance policée : que faire si Marine Le Pen est au deuxième tour ? Une question piège, parce qu’ils divergent entre eux – « Certains d’entre nous pourraient voter pour elle », convient un des participants – et parce que la réponse n’a rien d’évident. « Je me rends bien compte que si je dis quelque chose trop nettement à mes fidèles, en pensant apaiser les choses, en réalité je les ravive », avoue un évêque de l’ancienne génération.
En 2002, la Conférence des évêques n’avait pas pris position en tant que telle, parce que « nous étions sûrs qu’elle ne serait pas élue », rappelle ce dernier. « Mais ce n’est plus impossible cette fois. Qu’est-ce qu’on fait ? » La question est sur toutes les lèvres.
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