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#Lourdes prie pour le retour des pèlerins

REPORTAGE. Lourdes prie pour le retour des pèlerins étrangers

Le pèlerinage du Rosaire vient clore une saison catastrophique dans la ville habituée aux pèlerinages de groupes. La moitié des hôtels et commerces ont maintenu leur rideau baissé.

D’habitude, << deux avions pleins >> acheminent les pèlerins de La Réunion à destination du pèlerinage du Rosaire. Pour le dernier grand rassemblement de la saison à Lourdes (Hautes-Pyrénées). << Cette année, nous ne sommes que 14… >> , fait remarquer Eddy. Au cœur du sanctuaire quasi désert, le jeune homme chemine vers la grotte de l’apparition où quelques rares fidèles sont rassemblés et prient, sous la pluie. Vision inédite et glaçante dans cette ville qui voit habituellement défiler 25 000 pèlerins la première semaine d’octobre.

C’est << un baptême dans l’eau et le feu >> résume frère Hugues-François Rovinaro, tout juste nommé directeur de ce pèlerinage qui, jusqu’à l’an passé, mobilisait << 4 500 hospitaliers, 120 hôtesses, 1 200 bénévoles dans les accueils >>. Nul ne sait quand ces << visages de la charité et de la fraternité >> reviendront. Le Covid-19 a fait voler en éclats les acquis et les modèles dans le troisième site catholique le plus fréquenté au monde. Les rues les hôtels et les restaurants sont vides, ou fermés. Un magasin sur deux a baissé le rideau. Parmi les 6 millions de pèlerins accueillis à entre Pâques et octobre, << 60 % arrivent de l’étranger. Ils ne reviendront pas tant que le trafic aérien international ne sera pas rétabli. Lourdes est sous le choc, blessée et convalescente >> , résume frère Hugues-François Rovinaro. La << renaissance >> , dit-il, est espérée pour << 2022… Peut-être 2023 ou 2024 >> .

« Les plannings sont vides »

En attendant, la deuxième ville hôtelière de France, avec sa capacité de 9 800 chambres, << est maintenue dans le coma >> , se désole Christian Gélis, patron de l’hôtel Notre-Dame de Lorette et président de l’Union des métiers des industries de l’hôtellerie (Umih). Privé de sa clientèle étrangère, le secteur d’activité enregistre une perte abyssale : 250 000 nuitées réalisées depuis janvier, contre 3 millions en 2019. L’année 2021 ne s’annonce pas meilleure. << Nos plannings de réservations sont vides >> . Une vingtaine d’établissements pourraient ne pas rouvrir, selon un scénario noir dressé par la mairie.

Claudine Aubert, présidente d’une corporation de 130 boutiques de produits religieux, n’a jamais autant été sollicitée. Ses adhérents lui confient être << épuisés, moralement et physiquement >> . Ils décrivent la détresse d’une économie << à bout de souffle >> . Elle n’a renouvelé aucun de ses deux contrats saisonniers annuels et elle a mis au chômage partiel ses deux salariés.

Les exonérations de charges et l’aide promise par Bruno Le maire, en août, permettant aux commerces de souvenirs de bénéficier du fonds de solidarité du ministère de l’Économie n’ont pas relevé le moral d’une profession composée en majorité de petites entreprises. << Des enseignes transmises de génération en génération >> . Le problème, indique Claudine Aubert, est que cette population vieillissante ne « trouvera plus » ou peu de successeurs. Dans ce marasme, << qui pourrait bien vouloir d’une gérance >> , interroge-t-elle.

Du cataclysme à l’espérance… Le Covid-19 a poussé le sanctuaire et les pèlerinages à « prendre un virage avec une rapidité que l’on n’imaginait pas », précise le directeur du pèlerinage du Rosaire. La crise a imposé une accélération numérique qui a permis de maintenir le lien entre le sanctuaire et les pèlerins qui peuvent « aujourd’hui suivre en direct, les célébrations, conférences, et prières à la grotte ». Les vidéos plus consultées, retransmises sur les réseaux du Vatican, approchent le million de visiteurs. Un signal « de lumière et d’espérance », pour l’avenir, dit-il.

« Retourner la ville »

Élu maire en mars avec presque 60 % des voix, sans aucun professionnel de l’hôtellerie sur sa liste – un choix « délibéré » – Thierry Lavit (divers gauche), 58 ans, a promis de réveiller et « retourner une ville qui s’est endormie ». Il veut rénover le cœur de ville, promet de bâtir « l’union sacrée » entre le bas de cité et son sanctuaire avec le haut où il veut faire briller la culture et bâtir un centre des congrès. Le tout, dans un budget contraint. Le Covid-19 a fait fondre les recettes issues de la taxe de séjour, des parkings : « entre moins 2,2 et 2,5 millions », calcule le maire.

Dans cette ville de 13 000 habitants, il gère l’urgence sociale : « 2 500 personnes sont au chômage, 386 en grande difficulté et 134 mangent à la Banque alimentaire. » Pour faire face, il propose de créer « un guichet unique pour les saisonniers qui n’ont rien, faute d’avoir pu signer des contrats et acquérir des droits ». Il mise sur la transition écologique, projette de mettre en valeur les bords de la Gave de Pau dont la crue, en juin 2013, avait déjà secoué l’économie de la ville. « Lourdes, c’est la ville de la fraternité. On doit en faire un exemple mondial d’accessibilité », martèle-t-il.

L’effondrement d’un modèle basé << à 80 % sur l’accueil des groupes >> a placé Lourdes et son économie touristique sous perfusion. << On doit tenir à court terme, passer un cap. Mais on ne construira pas sur un champ de ruines »,prévient le président de l’Umih… « On espère le retour des groupes et le plus tôt sera le mieux », prie la propriétaire de l’hôtel d’Irlande, soixante-huit chambres… Et quatorze clients pour la nuit. << Sans les malades, Lourdes n’est plus Lourdes >> .

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