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Thème des pèlerinages 2015 à Lourdes

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Le thème des pèlerinages 2015 à Lourdes

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Chers pèlerins de Lourdes, j’ai le plaisir de vous faire parvenir le thème pastoral de l’année 2015 qui est proposé à tous les pèlerins venant dans le Sanctuaire Notre-Dame de Lourdes : « Lourdes, la joie de la mission ». Le texte proposé n’est pas une réflexion sur la mission en tant que telle, mais une invitation à devenir disciple-missionnaire, comme le Pape François nous l’a demandé dans sa dernière exhortation apostolique : « La joie de l’Évangile ». Vous y trouverez deux parties :
• Une réflexion à partir de l’Évangile de Saint Mathieu (28, 16-20), où il est question de l’envoi des disciples en mission.
• Une deuxième partie, où j’ai la joie de partager avec vous trois expériences personnelles au sein d’une communauté chrétienne animée par la spiritualité qui se dégage du Message de Lourdes. Ces trois expériences sont essentiellement missionnaires et touchent trois grands sujets de notre temps: le mariage, le laïcat missionnaire et la pauvreté.

Puissent ces réflexions vous aider à bien préparer votre pèlerinage, mais surtout à devenir les disciples-missionnaires de Celui qui nous envoie en mission : le Christ, le Seigneur de l´Histoire. Je tiens absolument à vous rappeler que ces réflexions se sont en grande parties inspirées de l’exhortation apostolique du Pape François : « La joie de l’Évangile. »

Père Horacio Brito, recteur du Sanctuaire de Lourdes

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I – Réflexion à partir de l’Évangile (Mt. 28, 16-20)

« Les onze disciples s’en allèrent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre.  Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais certains eurent des doutes. Jésus s’approcha d’eux et leur adressa ces paroles : Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai  commandé. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » (Mt. 28,16-20)

Une apparente contradiction

« Allez dire aux prêtres que l’on construise ici une chapelle et que l’on y vienne en procession ». C’est ainsi que s’exprimait Notre-Dame devant Bernadette le 2 mars 1858. Le Père Sempé, premier recteur du Sanctuaire, et les chapelains, répondirent au pied de la lettre à cette demande, et c’est ainsi que sont nées la Crypte, les basiliques de l’Immaculée Conception, du Rosaire et de Saint Pie X… Cependant, cette demande recèle une contradiction apparente. Je dis bien « apparente ». En effet, elle suppose la
construction d’une chapelle à proximité du village de Lourdes, alors qu’il existait déjà, dans le village – et qui existe toujours aujourd’hui, l’église paroissiale de Lourdes. Alors, pourquoi deux chapelles ?

C’est à la lumière de Évangile que nous trouverons une réponse à cette « apparente contradiction ».  Mais, avant tout, je voudrais qu’il soit bien clair que Notre-Dame ne cherche pas à opposer « deux églises », paroissiale et du Sanctuaire. Au contraire, il s’agit d’une même et unique Église. Nous savons par l’Évangile que Jésus est venu proclamer la présence du Règne de Dieu parmi les hommes, qu’Il l’a fait par sa Parole, ses gestes de miséricorde et de guérison, mais surtout par le don de sa propre vie sur la croix. Cette annonce de la Bonne Nouvelle se fera surtout dans un lieu précis de la Palestine, la Galilée, ainsi appelée « Galilée des nations » (Mt. 4, 15), probablement pour sa population cosmopolite. Oui, la Galilée était une « terre périphérique » ; géographiquement et culturellement, le centre religieux et le pouvoir politique ne passaient pas par là. C’est dans ce lieu que Jésus Ressuscité convoquera ses disciples : « Allez annoncer à mes frères qu’ils doivent partir pour la Galilée, et là ils me verront » (Mt. 28,10). Cette prédilection du Seigneur pour la Galilée ne signifie rien d’autre que son choix pour les  pauvres et pour tous les hommes. Le Règne de Dieu n’est pas seulement pour une élite mais pour
tous, pour « toutes les nations » : « Allez donc, de toutes les nations faites des disciples… » (Mt. 28,19).

Saint Paul tout d’abord, puis toute l’Église saisiront au vol ce commandement du Seigneur et ainsi  l’Évangile mûrira dans toute sa dimension missionnaire. C’est là que l’on trouve l’explication à cette « apparente contradiction » de la demande de Marie de construire une église à proximité du village de Lourdes. C’est une manière très pédagogique de nous rappeler que l’Église n’est pas appelée à occuper le centre de notre société, mais qu’elle est conviée à un continuel déplacement vers la périphérie. L’Église ! Toujours missionnaire, toujours servante, toujours engagée auprès de tous les hommes, toujours envoyée.

« Sortons, sortons pour offrir à tous la vie de Jésus-Christ. Je répète ici pour toute l’Église ce que j’ai dit de nombreuses fois aux prêtres et laïcs de Buenos Aires : je préfère une Église accidentée, blessée et  sale pour être sortie sur les chemins, plutôt qu’une Église malade de son enfermement et qui s’accroche confortablement à ses propres sécurités. Je ne veux pas une Église préoccupée d’être le centre et qui finit enfermée dans un enchevêtrement de fixations et de procédures. Si quelque chose doit saintement
nous préoccuper et inquiéter notre conscience, c’est que tant de nos frères vivent sans la force, la  lumière et la consolation de l’amitié de Jésus-Christ » (Pape François : « La joiede l’Évangile » n. 49).

Le Seigneur ne veut pas que l’Évangile soit enfermé dans les murailles de Jérusalem, il faut une activité
missionnaire. Notre-Dame ne donne pas rendez-vous à Bernadette dans l’église paroissiale, mais à  Massabielle. Alors, quelle est cette Église ?

« Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais certains eurent des doutes » (Mat. 28,17).

L’Évangile nous le dit : « ils se prosternèrent… ils doutèrent » ; il n’en va pas autrement de nos jours. La Bonne Nouvelle, le message de la Résurrection est fascinant et en même temps le doute s’insinue dans notre esprit. Oui, nous sommes prêts à nous prosterner et adorer le Seigneur et en même temps à douter de sa présence. Ô combien de fois cela nous est-il arrivé. La grâce et le péché, le divin et l’humain, et notre vie oscille, je dirais, entre la foi et le doute. La foi qui a besoin du doute et le doute qui a besoin de la foi, tout simplement pour ne pas accaparer le Christ. Et c’est au coeur de ce formidable combat spirituel, signe d’une bonne santé spirituelle, que se déroule la vie du chrétien.

C’est au milieu de ces ombres et de ces lumières que nous avançons. Mais le Seigneur nous dit : « Je  suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt. 28, 20).

La Bible montre de façon permanente que quand Dieu a créé le monde avec sa Parole, il a exprimé sa  satisfaction en disant que c’était « bon » (Gn.1,21), et quand il a créé l’être humain avec le souffle de sa
bouche, homme et femme, il a dit que « c’était très bon » (Gn. 1, 21). Le monde créé par Dieu est beau. Nous procédons d’un dessein divin de sagesse et d’amour. Mais, par le péché, cette beauté originelle a été salie et cette beauté a été blessée. Dieu, par Notre Seigneur Jésus-Christ, dans son mystère pascal, a recréé l’homme en faisant de lui un fils et il lui a donné la garantie de cieux nouveaux et d’une
terre nouvelle (Ap. 21, 1). Nous portons en nous l’image du premier Adam, mais nous sommes appelés également, depuis le début, à réaliser l’image de Jésus-Christ, nouvel Adam (1 Cor. 15,45). La création porte la marque du Créateur et désire être libérée, et « participer dans la glorieuse liberté des fils de Dieu » (Rm. 8, 21). Alors, quelle est cette Église qui est envoyée annoncer la Bonne Nouvelle ? C’est une Église humaine et divine, riche de l’amour et de la miséricorde de Dieu, composée d’hommes qui sont saints parce que, par la grâce du Baptême, ils appartiennent au Christ et, en même temps, sont des pécheurs.

« Allez de toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. » (Mt.28,19-20)

Dans cet envoi missionnaire, le Seigneur attend de nous trois démarches.

1. Des missionnaires convaincus et convaincants.

D’abord il nous dit : « Faites des disciples », c’est nous qui devons faire des disciples, pas Lui. Il nous a confié cela. Même si la mission ne nous appartient pas, elle nous est confiée comme un don et comme une grâce.

C’est une joie que d’avoir rencontré le Seigneur et d’avoir été envoyés par Lui porter le trésor de  l’Évangile. Être chrétien n’est pas une charge, mais un don : Dieu Père nous a bénis en Jésus-Christ, son Fils, Sauveur du monde.

C’est une grâce que d’avoir rencontré le Seigneur et d’être ses disciples-missionnaires. La joie du
disciple est un antidote face à un monde qui a peur du futur et qui est épuisé par la violence et la haine.
La joie du disciple n’est pas un sentiment de bien-être égoïste mais une certitude qui naît de la foi, qui apaise le coeur et qui rend capable d’annoncer la bonne nouvelle de l’amour de Dieu. Connaître Jésus, est le meilleur cadeau que peut recevoir toute personne. L’avoir rencontré, est le mieux qui nous soit arrivé dans la vie, et le faire connaître, par notre parole et notre vie est notre devoir de chrétien.

Pourquoi suis-je chrétien ? Tout d’abord parce que quelqu’un a témoigné de la présence du Seigneur dans sa vie et ce témoignage m’a touché.Ce « quelqu’un » me renvoie à des personnes de mon  entourage, mon père, ma mère, un ami, un prêtre, un catéchiste… La fécondité de notre vie n’a pas seulement une portée biologique, elle a aussi une portée spirituelle. « Faites des disciples », c’est un appel à la fécondité. Bernadette « a fait » beaucoup de disciples. Où sontils ? C’est nous, pèlerins de Lourdes. Ce Sanctuaire existe par la volonté de Notre-Dame et grâce au témoignage de Bernadette.

Qu’est-ce que Marie, la Mère de Dieu, ici, à Lourdes, transmet à Bernadette ? Par ses paroles et ses gestes, elle révèle et témoigne sa propre expérience de disciple de son Fils, le Christ, de sa vie chrétienne. Qu’est-ce que Bernadette nous transmet ? Quel est son témoignage ? Bernadette livre sa rencontre personnelle avec la Mère de Dieu. Cette rencontre en annonce une autre, celle du Christ.

En conclusion, la rencontre entre Marie et Bernadette nous fait découvrir la personne du Christ. Au  coeur d’un pèlerinage, tout imprégné de la Parole de Dieu, de prière et de charité nous découvrons la présence du Christ au milieu de nous. Ainsi, nous devenons disciples les uns des autres : « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis-là, au milieu d’eux » (Mt. 18,20).

Cette première dimension missionnaire et communautaire du pèlerinage est très importante. Cela veut
dire que les témoignages des uns et des autres, la rencontre entre pèlerins, la prière, l’annonce de la Parole, la célébration des sacrements et les gestes concrets de charité sont des temps forts  d’évangélisation et de transmission de la foi.

2. Une vie spirituelle

La deuxième démarche, c’est le baptême : «Baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit». Quiconque appartient au Christ est impliqué, par le baptême, dans la vie du Dieu trinitaire. Il  n’appartient plus aux hommes, mais à Dieu seul, qui l’accueille dans la communauté du Père, du Fils et du Saint-Esprit. C’est en Dieu que l’homme fera l’expérience de sa véritable dignité, celle de fils et de filles de Dieu : « En réalité, le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe
Incarné » (Con. Vat.II. Gaudium Spes. 22).

On pourrait définir cette deuxième démarche du disciple-missionnaire comme la démarche mystique ou
spirituelle de notre vie. Non pas parce que nous allons avoir des apparitions ou des contemplations extraordinaires. Mais tout simplement parce que nous avons un plus à apporter à notre société, notre spiritualité chrétienne.

« Quand on dit que quelque chose a un « esprit », cela désigne habituellement les mobiles intérieurs qui
poussent, motivent, encouragent et donnent sens à l’action personnelle et communautaire. Une  évangélisation faite avec esprit est très différente d’un ensemble de tâches vécues comme une obligation pesante que l’on ne fait que tolérer, ou quelque chose que l’on supporte parce qu’elle contredit
ses propres inclinations et désirs. Comme je voudrais trouver les paroles pour encourager une période
d’évangélisation plus fervente, joyeuse, généreuse, audacieuse, pleine d’amour et débordante de vie communicative ! Mais je sais qu’aucune motivation ne sera suffisante si le feu de l’Esprit ne brûle dans les coeurs. En définitive, une évangélisation faite avec esprit est une évangélisation avec l’Esprit-Saint, parce qu’il est l’âme de l’Église évangélisatrice. Avant de proposer quelques motivations et suggestions spirituelles, j’invoque une fois de plus l’Esprit-Saint, je le prie de venir renouveler, secouer, donner à l’Église l’impulsion pour une audacieuse sortie d’elle-même, pour évangéliser tous les peuples. » (Pape François, « La Joie de l’Évangile » n. 261). « Évangélisateurs avec esprit signifie évangélisateurs qui  prient et travaillent. Du point de vue de l’Évangélisation, il n’y a pas besoin de propositions mystiques sans un fort engagement social et missionnaire, ni de discours et d’usages sociaux et pastoraux, sans une spiritualité que transforme le coeur. Ces propositions partielles et déconnectées ne touchent que des groupes réduits et n’ont pas la force d’une grande pénétration parce qu’elles mutilent l’Évangile. Il faut toujours cultiver un espace intérieur qui donne un sens chrétien à l’engagement et à l’activité.

Sans moments prolongés d’adoration, de rencontre priante avec la Parole, de dialogue sincère avec le
Seigneur, les tâches se vident facilement de sens, nous nous affaiblissons à cause de la fatigue et des difficultés, et la ferveur s’éteint. L’Église ne peut vivre sans le poumon de la prière, et je me réjouis que se multiplient dans toutes les institutions ecclésiales les groupes de prière, d’intercession, de lecture priante de la Parole, d’adoration perpétuelle de l’Eucharistie. En même temps, on doit repousser toute tentation d’une spiritualité intimiste et individualiste, qui s’harmoniserait mal avec les exigences de la charité pas plus qu’avec la logique de l’Incarnation. Il y a un risque que certains moments d’oraison se transforment en excuses pour ne pas se livrer à la mission, parce que la privatisation du style de vie peut porter les chrétiens à se réfugier en des fausses spiritualités » (Pape François, « La joie de l’Évangile » n. 262).

3. Une vie cohérente

La troisième démarche que le Seigneur attend du disciple-missionnaire consiste à observer les commandements : « Apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé ». C’est la dimension éthique de notre vie, dans les choix que nous faisons, dans la façon de nous situer dans notre société, par rapport à la paix, à la justice, à la fraternité, à la conception de la vie, à la charité. Nos choix éthiques qui trouvent leurs sources dans l’ Évangile sont déjà une activité missionnaire dont notre monde à besoin.

« Nous savons que l’évangélisation ne serait pas complète si elle ne tenait pas compte des rapports concrets et permanents qui existent entre l’Évangile et la vie, personnelle, sociale, de l’homme. » (Pape Paul VI, “L’annonce de l’ Évangile” n. 29)

Il ne suffit pas de faire l’expérience de Dieu, de se sentir proche de Lui, de sentir sa présence salvatrice et d’être en Lui. La Foi demande que nous suivions tous les commandements que Jésus nous a donnés et, en même temps, que nous la transmettions aux autres. Le Seigneur ne nous a pas seulement enseigné le Dieu miséricordieux que nous prions en toute confiance et avec qui nous nous sentons en sécurité, il nous a constitués en Église et il a donné à son Église l’assistance de l’Esprit-Saint. Et c’est par et dans l’enseignement de l’Eglise que le Seigneur, aujourd’hui, nous invite à rendre notre vie conforme à la Parole de Jésus, et à témoigner ainsi pour son message, qui prête à l’homme des possibilités nouvelles.

Le Pape François nous invite à porter la Bonne Nouvelle vers les « périphéries existentielles » et la  première « périphérie » se situe dans notre propre vie. Il y a encore des zones de notre pensée personnelle, de notre affectivité, de notre agir, de notre esprit, de notre volonté qui n’ont pas été éclairées par la lumière de l’ Évangile. Il y a des zones de notre maternité, ou paternité, de notre ministère de prêtre, de notre vie consacrée, de notre vie d’étudiant, de notre engagement professionnel, d’hospitalier… qui n’ont pas été touchées par la grâce de la Bonne Nouvelle. Puisse chacun d’entre nous être le premier missionnaire de sa propre vie !

« Priez Dieu pour la conversion des pécheurs », cette invitation de la Dame, Bernadette l’assumera  comme une mission, peut-être comme la mission par excellence de toute sa vie : «Sainte-Marie, priez pour moi, pauvre pécheresse !»

Elle prie pour elle-même, elle prie pour les autres…

«En conséquence, personne ne peut exiger de nous que nous reléguions la religion dans la secrète intimité des personnes, sans aucune influence sur la vie sociale et nationale, sans se préoccuper
de la santé des institutions de la société civile, sans s’exprimer sur les événements qui intéressent les
citoyens. Une foi authentique – qui n’est jamais confortable et individualiste – implique toujours un profond désir de changer le monde, de transmettre des valeurs, de laisser quelque chose de meilleur après notre passage sur la terre» (Pape François, « La joie de l’Evangile » n. 183).

II – Partage d’expériences

Lumières de Lourdes sur quelques questions d’aujourd’hui. Témoignage personnel. « Il y a un style  marial dans l’activité évangélisatrice de l’Église. Car chaque fois que nous regardons Marie nous voulons croire en la force révolutionnaire de la tendresse et de l’affection ». (Pape François. « La joie de l’Évangile » n. 288

Peut-on trouver quelque sens à parler de la répercussion missionnaire du message de Lourdes  aujourd’hui, cent cinquante sept ans après les événements, large période au cours de laquelle le monde a totalement changé

Peut-être ne serait-il pas possible d’actualiser des événements d’une autre sorte. Mais les réalités de  Dieu se passent autrement. Comme nous le verrons par la suite, il n’y a pas de problème pour actualiser le message que Marie a confié à Bernadette Soubirous. Ceci est surtout dû à la parenté du message avec l’Évangile. Nous savons bien que l’Évangile est valable pour toutes les époques.

Le message de Lourdes est une grâce ; comme telle, on l’accueille, on la vit. «La grâce de Dieu est  multiforme» (1 P 4,10) et par conséquent elle s’exprime de plusieurs façons. Donc, le message ne peut pas être réduit à un seul aspect, si important soit-il. Pour les uns, Lourdes, c’est les miracles ; pour d’autres, les malades ; pour d’autres encore, les jeunes, les processions, l’Hospitalité ou les pèlerinages. La liste pourrait s’allonger. Lourdes c’est bien ça mais pas que ça. Parce que, comme toute grâce, c’est une matière vivante qui nous est donnée pour éclairer notre vie, pour nous aider à atteindre la plénitude, c’est-à-dire le bonheur.

Puisque le message de Lourdes est une grâce, elle ne peut pas être contenue, elle cherchera toujours à déborder, et comme toute grâce elle est missionnaire. À la lumière de cette grâce, j’aimerais partager avec vous trois expériences personnelles, missionnaires, qui touchent quelques aspects de l’actualité: le mariage, l’engagement des laïcs et la pauvreté.

Un petit avertissement : il faut tenir compte que ces quelques faits que je vais vous exposer, sont le fruit d’une expérience pastorale personnelle auprès de nombreuses familles et de jeunes universitaires voulant vivre la spiritualité qui jaillit du message de Lourdes. Ils constituent aujourd’hui une famille spirituelle que nous appelons « la famille lourdiste ». Ainsi, nous pourrons avoir l’écho de plusieurs laïcs, hommes et femmes, habitant dans ma ville natale, Tucumán, au pied des Andes, dans le nord de l’Argentine, qui essayent de vivre comme nous le disait Bernadette : «Tous les jours je fais (nous  faisons) mon pèlerinage à la Grotte.»

Le fil conducteur de ces pensées sera le fait que la grâce, qui suppose la nature sans la détruire ni  l’ignorer, implique la possibilité de passer d’une réalité à une autre réalité, d’un monde à un autre monde, comme Marie le promit à Bernadette. Ces expériences sont comme l’écho de cette invitation, que nous faisait le Pape saint Jean Paul II, de « passer de la dévotion à Marie à la vie avec Marie ». Elles sont aussi comme une réponse à l’invitation adressée par le Pape Benoît XVI aux chrétiens latino-américains : «Je vous invite à ne plus être le continent de l’espérance mais à devenir le Continent de l’Amour».

Le mariage, le couple

Un jour, une femme m’a confié avoir découvert qu’elle était très malheureuse dans son ménage. Je lui ai demandé, un peu naïvement, comment les choses s’étaient passées. Elle m’a répondu : « Tout d’abord, j’ai vu tout ce qui était positif dans notre relation ; puis, j’ai découvert tout ce qui était négatif : le retour en arrière du couple, l’impossibilité de nous épanouir. » Lorsque cette femme s’était mariée, elle avait  confiance que son mari collaborerait pour le bonheur de tous les deux et lui, il lui avait tout garanti : le travail, l’argent, le succès.

Le problème était dans le fait que l’amour ayant été séparé de sa source première, qui est la rencontre de l’autre, par laquelle on identifie quelqu’un, il touchait à sa fin. Par  conséquent, le processus ne se dirigeait pas vers la libération ou la réalisation, mais il avançait inexorablement comme un mal.

L’évangéliste Marc nous dit : « Jésus gravit la montagne et il appela à lui ceux qu’il voulait. Ils vinrent à lui, et il en institua Douze pour être avec lui et pour les envoyer prêcher, avec pouvoir de chasser les démons. Il institua donc les Douze » (Mc 3, 14-15).

Dans ce récit, il y a trois moments : en premier lieu, Jésus appelle ses disciples pour qu’ils restent avec lui. En second lieu, il y a une découverte de la réalité du péché et de la rédemption, synthétisée dans l’expression : « Il les envoya prêcher et chasser les démons. » Le troisième moment est le temps de la fécondité, de la communion : Jésus institue les Douze, la communauté.

Pourquoi Jésus, dans un premier temps, appelle-t-il ses disciples, non pas pour travailler ou pour faire
quelque chose, mais tout simplement pour qu’ils « restent avec lui » ? La réponse est facile : c’est parce que le plus grand bonheur de toute personne est de contempler Dieu. Nous sommes tous appelés à la  plus haute des contemplations : celle de contempler Dieu.

En effet, Marie est appelée par Dieu, non pas pour « faire » quelque chose mais pour « être » la mère de Dieu. Ainsi, Dieu se situe au plus profond de la vocation de Marie. La rencontre de Marie et Joseph se situe, elle aussi en premier lieu, à ce niveau. C’est tout simplement la grâce de la rencontre.

Dans le message de Lourdes, les sept premières apparitions marquent ce rythme ; c’est la rencontre  profonde entre deux personnes ; même le silence suggère quelque chose en cette étape. Ce n’est qu’à la troisième apparition que nous trouvons des paroles et elles constituent une invitation au bonheur.  Nous pourrions même dire que Marie apparaît à Bernadette rien que pour « être avec elle ».

Ainsi le désir profond de communion de Marie et Bernadette est satisfait. Cette étape, qu’on appelle contemplative, nous rappelle l’alliance de Dieu avec l’humanité. Bernadette le dira à sa manière « Elle me
regardait comme une personne regarde une autre personne ». « Dès que quelqu’un la voit pour la  première fois, on voudrait mourir pour la voir à nouveau ». Bernadette devient la personne la plus importante pour la Dame de Massabielle.

« Il n’est pas bon que l’homme soit seul », nous dit le livre de la Génèse (2,18), et il ajoute : « C’est  pourquoi l’homme quitte son père et sa mère et s’attache à sa femme et ils deviennent une seule chair » (Gn 2,24). On indique ainsi que l’homme et la femme sont appelés, en un tout premier lieu, à la  communion profonde de l’un avec l’autre, à être heureux ensemble

Marie dut cultiver le lien avec son Fils dans le temps et dans l’espace, à travers beaucoup de vicissitudes (il suffit de parcourir l’Évangile). Elle fait de même lorsqu’elle invite Bernadette à se rendre à la Grotte pendant quinze jours. Et ce, non sans difficulté (pensons aux jours de non apparition de Marie). De la même façon, le lien profond auquel sont appelés l’homme et la femme doit être cultivé dans le temps et dans la réalité de chaque jour. L’une des caractéristiques de l’amour conjugal, c’est qu’il s’agit d’une relation spéciale, une amitié entre les époux ; l’amitié exige la rencontre, il lui faut du temps pour que les amis, simplement, soient ensemble, même dans les moments où le silence profond fait le lien entre eux.

L’évangéliste Marc nous dit ensuite que Jésus « envoya ses apôtres pour prêcher, avec pouvoir de chasser les démons ». Appelé à la communion, l’homme fait rapidement l’expérience de la désunion, de la division, de la séparation.

Les rapports entre l’homme et la femme doivent aussi traverser des crises et subir la purification, ils doivent passer du pur érotisme au don gratuit, de la paralysie de l’ennui et de la routine au dialogue et à la communion profonde. La rencontre est fondamentale. La vie du couple n’est pas possible sans la présence des deux époux, mais cela ne suffit pas. De même que Marie dit à Bernadette : « Allez boire à la source et vous y laver », les époux, eux aussi, doivent boire et se laver tous les deux à la source que Dieu a mise dans leur coeurs. Parce que l’époux doit aider son épouse à atteindre la rédemption, comme l’épouse doit le faire envers son époux. Ils ont uni leurs destins par le lien du mariage, y compris en ce qui concerne la vie éternelle.

Un chapelain du sanctuaire, qui partageait son expérience pastorale avec moi, me disait qu’il avait l’habitude d’inviter quelques couples à laver leurs visages et leurs mains dans l’eau de la source et tout de suite après, s’embrasser. Je crois que cela suffit pour montrer clairement ce qu’on vient de dire : « Allez boire à la source et vous y laver. »

L’amour conjugal est une tâche qui doit être accomplie chaque jour. Et cela doit être fait par les deux époux. Si on ne le comprend pas ainsi, on en reste à la passion du début, qui ne suffit pas lorsque se présentent des difficultés typiques de la vie en commun. Et les époux doivent aussi comprendre que cette tâche quotidienne à pour but de les faire grandir jour après jour, en tant que personnes afin qu’ils
soient tous les deux meilleurs, parce que c’est là que se trouve le bonheur que le couple cherche en choisissant le mariage.

Finalement, l’évangéliste Marc dit que le Christ institua les Douze. C’est un aspect profond de la  rencontre des apôtres avec le Maître. Et Marie fut aussi féconde, non seulement par l’enfant qu’elle eut dans son sein qui n’était rien de moins que le Fils de Dieu, mais parce que, au pied de la croix et à la  Pentecôte, elle assuma la maternité du disciple que son Fils aimait, et puis celle des Douze.

A Lourdes, Marie et Bernadette passent d’une relation strictement personnelle au bonheur de s’ouvrir
pour former la communauté de ceux qui vont à la chapelle en pèlerinage. Et le message nous montre que toute rencontre personnelle doit être féconde.

De par sa nature même, le mariage suppose la fécondité, car le couple doit être toujours ouvert à  accueillir de nouvelles vies, pour former la famille. En outre, de nos jours, il doit assumer comme tâche prioritaire la protection de cette vie, constamment menacée par une société qui privilégie la culture de la mort.

La fécondité du couple, ne doit pas seulement se manifester dans les enfants qu’il accueille comme des dons de Dieu, mais aussi dans l’ouverture à la communauté ecclésiale et à la société. Cette ouverture aux autres non seulement est féconde, mais elle est, par-dessus tout, une source permanente de bonheur.

Le laïcat et une Église missionnaire

J’ai eu souvent l’occasion de recevoir des confidences des pèlerins de Lourdes. Ils s’exprimaient ainsi : « Ce lieu est différent » ; « J’aimerais rester ici » ; « Je me sens bien ici » ; « Au bout de nombreuses années je me suis de nouveau confessé » ; « Ici, on peut bien prier ».

Plusieurs années plus tard, j’ai entendu ces mêmes confidences au sanctuaire de Santos Lugares à Buenos Aires, qui, tous les 11 février, accueille quelque 300 000 pèlerins. Le plus souvent, ces   confidences me sont parvenues des jeunes universitaires qui font leur apostolat dans un bidonville,
dans le quartier Sainte-Bernadette, à Tucumàn.

Qu’ont donc en commun ces affirmations provenant de gens si éloignés et dont la plupart, sans doute,
ne viendront jamais au sanctuaire de Lourdes, en France ?

Je crois qu’on peut trouver la réponse à la lecture des événements qui sont à l’origine de Lourdes. En effet, pendant les apparitions, lorsque Bernadette est dans la Grotte, elle est tournée vers Marie, la Mère de Dieu, qui elle-même, est en communion avec son Fils Jésus et lui-même en communion avec son Père. Mais faisons le chemin inverse : le Père est en communion avec son Fils ; Jésus est en communion avec Marie et celle-ci est en communion avec Bernadette. Nous pouvons donc affirmer que,
lorsqu’elle est dans la Grotte, Bernadette est en communion avec Dieu.

Nous savons encore que Bernadette est aussi en communion avec les gens qui l’accompagnent à la Grotte et ceci d’une manière réelle.

En premier lieu, par le service et la charité : elle aide ses camarades à ramasser du bois et visite quelques malades.

Ensuite, par le témoignage : Bernadette a toujours raconté les apparitions.

Puis, par le travail de chaque jour : malgré les nombreuses difficultés qu’elle a dû endurer, durant les apparitions, elle n’a jamais été absente à l’école.

Et encore, par la vie sacramentelle : Bernadette est aussi en communion avec sa communauté. C’est pendant les apparitions que la petite Soubirous se confesse et communie pour la première fois de sa vie.

Enfin, parce que sa personne rayonne. Des milliers de gens répétaient les gestes que Bernadette faisait
à l’intérieur de la Grotte : faire le signe de la croix, embrasser le sol, boire l’eau de la source, prier pour les pécheurs, garder le silence.

Cette attitude de communion permanente avec Dieu et avec ses frères sera toujours présente dans la vie de Bernadette, même au-delà des apparitions. En effet, à Nevers, soeur Marie-Bernarde dit : « Tous les jours je fais mon pèlerinage à la grotte. » En même temps, son service comme infirmière et les longues heures passées au parloir du couvent de Saint-Gildard sont le témoignage du don de sa vie à Dieu et à ses frères.

Sans tenir compte du temps, des distances et des différentes façons d’agir, de nos jours, le pèlerin de Lourdes, ici en France ou n’importe où dans le monde, fait la même expérience. En effet, qu’est-ce que le pèlerin voit d’abord, qui touche son coeur ? Sans aucun doute, la foule, mais une foule en attitude de prière. Il suffit de rester quelques minutes devant la Grotte pour faire cette expérience : une foule qui prie et qui invite les autres à prier. C’est une foule qui prie pour elle-même, et pour les autres, qui prie pour les pécheurs. « Priez pour moi, pauvre pécheresse », ont été les dernières paroles de Bernadette.
Une foule qui est en communion avec Dieu.

Mais, en même temps, ce pèlerin constate que cette même foule est tournée vers ses frères et est unie à eux par le lien de la charité. En effet, il suffit de faire quelques mètres sur l’esplanade du sanctuaire pour pouvoir apprécier les gestes de charité qui se multiplient à l’infini, soit de la part des hospitaliers, soit des bénévoles, du personnel du sanctuaire, aux piscines, à la chapelle des confessions. La liste serait interminable. En voyant cette foule, le nouveau pèlerin fait l’expérience, concrètement, d’une nouvelle réalité, d’une humanité recréée par Dieu.

Cette réalité, nous l’avons constatée non seulement à Lourdes mais aussi dans plusieurs communautés qui cherchent à vivre de ce message. Il y a quelques années, suite à une invitation de Monseigneur Dominique You, j’ai eu l’occasion de connaître la « favela » (bidonville) des Alagados, à San Salvador de Bahia, au Brésil. Là, une des jeunes qui travaillaient au projet des adolescentes enceintes m’a confié : « Pour moi, accueillir ces adolescentes c’est comme être devant la Grotte de Lourdes : en elles, je vois la misère du monde et, en même temps, la source de l’amour au coeur de cette misère. Ces adolescentes sont, pour moi, la Grotte de Lourdes. »

Il y a aussi déjà quelques années, à Tucumán, un groupe de jeunes universitaires de la « Famille  lourdiste » décidait de partager le week-end avec des jeunes chiffonniers de la banlieue, comme une façon de vivre et de répondre directement à l’invitation de Marie : « Voulez-vous me faire la grâce de venir ici pendant quinze jours ? » Quelques années plus tard l’évêque du diocèse de l’époque m’annonçait qu’un prêtre irait y célébrer la messe car une communauté chrétienne était en train de naître dans cet endroit-là. Ces expériences de la découverte d’une nouvelle réalité, le message de Lourdes, transmis par deux laïques : Marie, la Mère du Sauveur, qui communique avec une autre laïque : Bernadette. Bernadette remet ce message, en premier lieu, à des laïcs, dont la plupart sont des femmes. C’est ainsi que, ce témoignage, qui constitue un vrai trésor dont nous sommes les héritiers, nous parvient grâce à des laïcs. Il faut bien, alors, évoquer ce magnifique texte du concile Vatican II : « De par leur vocation propre, il revient aux laïcs de chercher le Royaume de Dieu en administrant les choses temporelles et en les ordonnant selon Dieu. Ceux-ci vivent dans le siècle, engagés dans tous et chacun des devoirs et travaux du monde, plongés dans l’ambiance où se meuvent la vie de famille et la vie sociale dont leur existence est comme tissée. C’est là qu’ils sont appelés par Dieu, jouant ainsi le rôle qui leur est propre et guidés par l’esprit évangélique, à travailler comme de l’intérieur, à la manière d’un ferment, à la sanctification du monde et à manifester ainsi le Christ aux autres, principalement par le témoignage de leur propre vie, par le rayonnement de leur foi, de leur espérance et de leur charité » (Lumen Gentium n°31).

Au moyen d’une admirable catéchèse, Marie conduira Bernadette vers la maturité de sa vie chrétienne, vers la maturité de sa vocation laïque. C’est de cette façon que, d’une religion faite de rites et de règles, la jeune fille parviendra à la rencontre avec une personne. Marie, c’est cela : une laïque mais qui ne focalise pas sur elle l’attention de Bernadette, puisque, l’invitant, continuellement à entrer à l’intérieur de la Grotte, elle l’oriente vers la source, c’est-à-dire vers le Christ. De là, elle lui commande d’aller « dire aux prêtres de construire une chapelle ». Paul VI disait : « Nous sommes tous invités à planter l’Église. » Le message de Lourdes, éminemment christologique, nous arrive par les laïcs.

Afin d’approfondir un peu plus cet aspect, je vous invite à lire ensemble ce texte de la rencontre des  évêques latino-américains à Aparecida (Brésil) : « La foi ne supporterait pasl’écoulement du temps si  elle était réduite à un bagage, à un catalogue de certaines normes et interdictions, à des pratiques de foi fragmentées, à des adhésions choisies et partielles aux vérités de la foi, à une participation éventuelle à quelques sacrements, à la répétition de certains principes doctrinaux, à des moralismes faibles ou crispés qui ne mènent pas à la conversion des baptisés… C’est à nous tous de recommencer à partir du Christ, tout en admettant qu’on ne devient pas chrétien par décision éthique ou par une grande idée, mais par la rencontre avec un événement, une Personne qui donne un nouvel horizon à la vie et avec cela, une orientation décisive » (n°12)

Et, pour nous, qui, souvent, pratiquons une foi éminemment rationnelle, il nous faut comprendre que ce n’est pas la seule façon de le faire. Bernadette, une laïque dans son histoire, face à Dieu et au monde,
ainsi que beaucoup de laïcs dans le monde entier qui vivent ce message, nous convoquent, non pas par leur discours théologique, mais tout simplement parce qu’ils nous attirent. « L’Église grandit, non pas par prosélytisme, mais par « séduction », comme le Christ « attire » tout vers lui par la force de l’Amour » (Benoît XVI, homélie de la messe inaugurale de la Vème conférence des évêques d’Amérique latine, 13 mai 2007). «L’Eglise « attire » quand elle vit en communion avec Dieu et avec les réalités de ce monde, car les disciples de Jésus seront reconnus s’ils s’aiment les uns les autres comme il les a aimés» (Document d’Aparecida n°159).

L’Église catholique vit aujourd’hui, dans le monde entier, une crise de croissance ; ce n’est pas  seulement en Europe que les fidèles s’éloignent de l’Eglise. En Amérique Latine aussi, où on trouve aujourd’hui 43 % des catholiques du monde entier, on trouve ce problème de baptisés qui ne vivent pas selon leur foi et d’autres qui s’éloignent de l’Église pour s’insérer dans les sectes ou dans de petites églises évangéliques.

Le message de Lourdes a son mot à dire dans ce sens ; parce qu’il s’agit tout simplement d’assumer,  comme Bernadette l’a fait, qu’il faut passer de la réalité d’une foi religieuse, ayant comme fondement des rites et des règles qu’on, suit plus ou moins automatiquement, à une foi missionnaire qui cherche ardemment à faire parvenir les messages à toute l’humanité.

En ce sens, la piété populaire, qui se manifeste lors des pèlerinages à Lourdes et dans les attitudes  simples et profondes du peuple croyant, est une richesse que l’Église ne peut pas ignorer. C’est pour  cela que Lourdes est en train de rendre un énorme service à l’Église universelle et, particulièrement,
à l’Église d’Europe. Il est vrai que la plupart des pèlerins y viennent poussés, plutôt que par une foi tout
pure, par un désir presque magique, à la recherche de la santé perdue. Malgré tout, il ne faut pas négliger la piété populaire. Elle laisse jaillir un sens profond du transcendant et un amour débordant de Dieu, de la Vierge et des saints. Nous ne trouvons pas, il est vrai, dans cette piété populaire le christianisme rationnel auquel nous sommes habitués. Mais il est aussi vrai que nous y trouvons un christianisme fondé plutôt sur des éléments sensibles et symboliques.

Et pour autant on ne peut pas dire que cette piété n’est pas une expression réelle et valable de  spiritualité.

Les pauvres nous évangélisent

Je souhaite commencer par une histoire que j’ai personnellement vécue. Nous étions un groupe de  chrétiens réunis pour prier et pour réfléchir sur différents aspects du message de Lourdes. Quelques questions se sont posées : comment parler de Lourdes, de l’Immaculée Conception, dans une société où, littéralement, il y a des chrétiens qui meurent de faim tandis que d’autres augmentent leurs richesses
en progression géométrique ? Peut-on, dans le cadre d’une histoire qui pour beaucoup est marquée par la faim et la misère, dire les paroles de Marie : « Mon âme exulte dans le Seigneur et chante de joie en Dieu, mon Sauveur ? » Cette situation, es-telle le fruit de la Providence du Père qui comble de biens toutes ses créatures ou est-ce le fruit de la bêtise des hommes ? Comment faire pour que notre société change et qu’elle change pour le bien de tous ?

Dans un premier moment, la plupart des participants ont choisi d’assumer une attitude de dénonciation.  Dénoncer les faits d’injustice, de corruption, de chantage, de mauvaise administration de la part de ceux qui ont le pouvoir politique, économique, culturel, ou la maîtrise des informations, dans tous les domaines
de la société. Mais voici que l’un des participants dit : « Il faudrait aussi dénoncer la corruption,  l’injustice, le chantage venant de l’Église. » A la grande surprise de tous ceux qui sont présents, il ajoute : « La plupart des gens que nous voulons dénoncer sont des chrétiens, dont un bon nombre  pratiquants. » Puis il dit encore : « Je crois que, en tant que chrétiens, au lieu d’employer nos efforts pour dénoncer, il nous faudrait plutôt penser à trouver des stratégies pour évangéliser notre société et pour nous évangéliser nous-mêmes. »

Pour Bernadette, les apparitions n’ont pas été une échappatoire ou une fuite, due à une histoire  personnelle marquée par le drame de la pauvreté et de la misère. Tout d’abord, parce que Marie, l’élue de Dieu, n’est pas arrachée à son peuple et son histoire, mais l’Évangile la reconnaît insérée dans ses racines. Il en est ainsi parce que Dieu se manifeste toujours à l’homme grâce à son passage par l’histoire et son passage sauveur est reconnu par les hommes parce qu’ils ont pris connaissance qu’ils existent dans l’histoire avec les autres hommes. C’est-à-dire qu’ils se sentent à la fois spectateurs et protagonistes des événements qui changent les relations personnelles et augmentent la justice, l’amour et la capacité de vivre dans le monde, dans la paix. C’est pour cela que la contemplation, qui est le fait accompli de l’adoration de Dieu, n’est pas une fuite vers les nuages ou une évasion. C’est, en même  temps, une vue de l’être dans la foi et l’intelligence profonde, claire, de notre existence au monde, dans l’histoire.

En ce sens, nous pouvons être éclairés par les paroles du message de Lourdes, qui nous invitent à  découvrir « le bonheur dans l’autre monde », qu’on ne peut atteindre que si l’on prend la décision de « venir ici quinze jours ». En effet, toutes les générations ont droit au bonheur, la nôtre aussi. Toutes les générations ont le droit de jouir, sur terre, de la douceur et du bonheur que le Christ a annoncé et prévu pour tous. Mais il est aussi vrai que toutes les générations sont le devoir d’atteindre ce bonheur dans un contexte de don et de conversion à l’Évangile.

« Priez pour les pécheurs », « priez pour la conversion des pécheurs ». Ce sont probablement ces  paroles qui ont le plus profondément touché le coeur de Bernadette. C’est une invitation à prier pour soi-même et pour les autres ; c’est permettre, comme nous le dit l’apôtre Paul, « que la création soit libérée de la servitude de la corruption pour entrer dans la liberté des enfants de Dieu » (Rm 8, 21). Est-ce possible de répondre à cette invitation ? Oui, c’est possible. Mais seulement à condition que l’on soit dans l’histoire à la manière de Marie et Bernadette, ce qui n’est autre que l’esprit de l’Évangile, c’est-à-dire en renonçant volontairement à tout ce qui divise, sépare et détruit la communauté.

Marie, signe de l’humanité créée par Dieu, peut purifier, comme elle l’a fait avec Bernadette, la haine que chaque homme porte en lui-même, donnant ainsi à notre « recherche du bonheur » un but qui ne soit pas seulement la recherche misérable et mesquine d’un peu plus de confort, mais celle de la vraie dignité de l’homme. Ceci comprend la nourriture, le travail, la maison, l’éducation, la participation active  aux décisions, la possibilité réelle de jouir des droits qui correspondent à chacun. Peut-on « chanter la grandeur du Seigneur et exulter de joie » ?

Oui, c’est possible, mais seulement à condition que l’on soit dans l’histoire à la manière de l’Éxode, c’est- à-dire dans une tentative réelle de changer le monde. Oui, c’est possible, si les promesses que Dieu à faites aux hommes se réalisent lorsque l’on creuse dans le « désert de la vie » au point d’entendre « la source souterraine ».

« Elle m’a choisie, moi, parce que j’étais la plus pauvre. S’il y avait eu quelqu’un de plus pauvre, elle  aurait été choisie. » La confession de Bernadette à propos de la raison qui fait que Marie l’approche, elle englobe tous les habitants de Lourdes et nous montre que la Vierge a les mêmes sentiments que son Fils. Pour le Christ, les préférés sont les pauvres. Ils sont les destinataires directs du Royaume qu’il est venu instaurer et, par ailleurs, à la fin des temps, toute l’humanité aura les pauvres pour juges, puisque selon les paroles de l’Évangile, même le salut dépendra de ce que nous aurons fait ou non aux pauvres : « J’ai eu faim… j’ai eu soif …et j’étais nu… » (Mt 25, 7).

C’est pour cela que l’Église doit faire un pas en avant afin d’être authentiquement l’Eglise des pauvres. Il ne s’agit pas de travailler « pour » les pauvres mais « avec » les pauvres comme Bernadette l’a fait.  Remarquons qu’elle choisit la congrégation des Soeurs de Nevers à cause de leur lien avec les pauvres. Par ailleurs, il faut comprendre très clairement que d’après la pensée sociale de l’Eglise, il existe deux sortes de pauvreté.

D’un côté, il y a la pauvreté de ceux qui n’ont même pas les éléments indispensables pour subvenir à leurs besoins fondamentaux et avoir une vie conforme à la dignité de toute personne humaine. C’est la  pauvreté que l’Eglise, déteste et qu’elle doit éliminer de toutes ses forces. C’est l’injustice qui plane sur  tout le continent latino-américain, habité par des catholiques et aussi par des gens qui vivent dans des conditions qui ne sont pas celles d’un enfant de Dieu.

Il y a une autre pauvreté. C’est celle qui, suivant les conseils évangéliques, est choisie comme une  forme de vie par des religieux et des religieuses, dans l’Eglise catholique. C’est aussi le choix d’un bon nombre de familles qui, tout en étant en condition d’avoir accès aux biens qu’elles désirent, se limitent à ce qui leur est indispensable, afin de partager avec ceux qui ont moins ce qui pour eux est en trop. Voilà la pauvreté que l’Église loue.

Le message de Lourdes nous montre que, là où il n’y avait que des immondices et de la boue, Dieu peut les transformer en eau pure et transparente. Là où la frustration et la pauvreté, symbolisées en  Bernadette, sont l’affaire de tous les jours, même là, le bonheur et le développement peuvent arriver, dans la mesure où nous nous mettons entre les bras maternels de Marie et, avec elle, nous suivons le précepte évangélique de donner à manger à celui qui a faim, de donner à boire à celui qui à soif,  d’habiller celui qui est nu, de rendre visite aux malades et à celui qui est en prison. C’est-à-dire, dans la mesure où nous nous mettons à construire la civilisation de l’amour, la seule qui soit digne pour les hommes et les femmes de tous les temps.

Père Horacio Brito, Missionnaire de l’Immaculée Conception de Lourdes,
Recteur du Sanctuaire de Notre-Dame de Lourdes

Prière à Notre Dame

Vierge et Mère Marie,

Toi, qui, mue par l’Esprit, as accueilli le Verbe de la vie dans la profondeur de ta foi humble, totalement abandonnée à l’Éternel, aide-nous à dire notre « oui » dans l’urgence, plus que jamais pressante, de faire retentir la Bonne Nouvelle de Jésus.

Toi remplie de la présence du Christ, tu as porté la joie de Jean-Baptiste, le faisant exulter dans le sein de sa mère.

Toi, tressaillant de joie, tu as chanté les merveilles du Seigneur.

Toi, qui es restée ferme près de la Croix avec une foi inébranlable et as reçu la joyeuse consolation de la résurrection, tu as réuni les disciples dans l’attente de l’Esprit afin que naisse l’Église évangélisatrice.

Obtiens-nous maintenant une nouvelle ardeur de ressuscités pour porter à tous l’Évangile de la vie qui triomphe de la mort.

Donne-nous la sainte audace de chercher de nouvelles voies pour que parvienne à tous le don de la beauté qui ne se ternit pas.

Toi, Vierge de l’écoute et de la contemplation, mère du bel amour, épouse des noces éternelles, intercède pour l’Église, dont tu es l’icône très pure, afin qu’elle ne se s’enferme jamais et jamais ne s’arrête dans sa passion pour instaurer le Royaume.

Étoile de la nouvelle évangélisation, aide-nous à rayonner par le témoignage de la communion, du service, de la foi ardente et généreuse, de la justice et de l’amour pour les pauvres, pour que la joie de l’Évangile parvienne jusqu’aux confins de la terre et qu’aucune périphérie ne soit privée de sa lumière.

Mère de l’Évangile vivant, source de joie pour les petits, prie pour nous.

Amen. Alléluia !

Pape François

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