Un naufragé du Titanic a Lourdes
Le 10 avril 1912, le Titanic quittait le port de Southampton. Quatre jours plus tard, il percutait un iceberg avant de sombrer. 1.500 victimes. 700 rescapés. Deux jeunes enfants français perdent leur père. À cet instant, leur vie prend un autre chemin. L’aîné Michel, 4 ans à l’époque, meurt à l’âge de 93 ans. Edmond, deux ans plus jeune, sera enterré discrètement en 1953 au cimetière de l’Égalité à Lourdes. Un événement si confidentiel que même le maire Jean-Pierre Artiganave ignorait totalement, doutant même de la véracité de cette information. Pourtant !
Le 30 janvier 2001, notre titre annonçait le décès du dernier rescapé du Titanic Michel Navratil, philosophe, professeur honoraire de psychologie à l’université de Montpellier. Sa fille Élisabeth, déjà penchée sur l’arbre généalogique familial, se met en quête des traces de son oncle Edmond, mort en 1953, et celles de ses cousines, Thérèse et Françoise, perdues de vue depuis de longues années. Son père lui a souvent raconté leur périple. Elle veut en savoir davantage. En février 2001, Élisabeth adresse une lettre remplie de questions à l’état civil de Lourdes. Le responsable du service, Charlie Vert, prendra le dossier à bras-le-corps pour donner des réponses à cette femme et se pique au jeu.
Mais comment ces deux jeunes garçons s’étaient retrouvés sur ce bateau ? Quelques semaines auparavant, leur père Michaël Navratil les avait enlevés des bras de leur mère en raison d’une séparation du couple. Il s’était dirigé vers Southampton pour quitter le pays, s’enfuir à bord du Titanic. Prudent dans sa fuite, le père opte pour un faux nom, avec ces garçons ils seront enregistrés « Hoffman ». L’objectif de cette fuite étant de rejoindre la famille de Michaël d’origine tchèque, déjà installée aux États-Unis. Au moment du drame, les deux jeunes enfants, « Lolo et Momon », ont été protégés par une jeune femme à bord du canot de sauvetage, elle les a même gardés avec elle pendant trois semaines aux États-Unis, avant que la famille française ne les reconnaisse. La photo des petits a été diffusée, faisant le tour des rédactions et le tour du monde. C’est par ce moyen que la mère, Marcelle Caretto, épouse Navratil, restée à Nice dans un grand désespoir, a reconnu ses fils. Folle de douleur mais rassurée, elle s’est jurée de récupérer ses enfants quitte à traverser l’Océan. Mais comment prouver que ces deux petits enregistrés « Hoffman » étaient bien ses enfants Navratil ? Un autre parcours du combattant lui a fait déplacer les montagnes. Elle a mis toute son énergie à prouver le lien de parenté, mais à force de pugnacité et de volonté, enfin, un jour elle est partie aux États-Unis chercher ses deux garçons. En France, à Nice, une nouvelle vie pouvait s’ouvrir à eux.
Obsèques discrètes
Michel a eu une vie professionnelle brillante et trois enfants. Edmond s’est marié à Lourdes. Il a épousé Marcelle Bié pour vivre une carrière d’architecte et une partie de sa vie à Villeneuve-sur-Lot. L’arbre généalogique établi par Élisabeth (fille de Michel) fait état de deux filles : Françoise, née en 1934, et Thérèse, née en 1940, qui aurait épousé un Forestier. Un point d’interrogation prouve l’ignorance de la suite de cette lignée.
Au cimetière de l’Égalité, contre le mur d’enceinte, allée 5, rang 5, une imposante tombe grise, fraîche mais exempte de fleurs, porte les noms Bié, Navratil, Forestier. Qui peut dire pourquoi les obsèques d’Edmond ont été si discrètes, si silencieuses ? En 1953, au sortir de la guerre, les Navratil, slovaque, tchèque, russe, n’étaient peut-être pas en odeur de sainteté avec les gouvernants de l’époque. La famille cherche toujours la réponse à cette question.
L’investissement de Charlie Vert
À peine huit jours après le décès de Michel Navratil, sa fille Élisabeth, résidente à Paris, entre en contact avec le service état civil de la mairie de Lourdes. Elle a beau décliner son identité au téléphone, Charlie Vert, à l’époque responsable du service, la croit à moitié et lui réclame les preuves de son identité. Le 9 février 2001, on parlait bien du Titanic mais avoir au bout du téléphone la fille du dernier rescapé français méritait de la prudence. Toutes les pièces en main, Charlie s’est donné pour mission d’aider cette femme, cette famille dans sa recherche de compléments d’informations familiales. Facile pour lui d’éplucher les registres d’état civil. Élisabeth l’avait bien guidé. « J’ai remué ciel et terre pour retrouver les éléments qu’elle cherchait, l’adresse de ses cousines Thérèse et Françoise. Je sais que, par la suite, ces trois femmes sont entrées en contact ». Et puis ? « Et puis, je ne me suis pas immiscé dans leurs retrouvailles, dans leur vie intime. J’ai eu Élisabeth au téléphone à une autre reprise puis silence. C’est leur histoire, leur vie. »
Élisabeth, metteur en scène et auteur, aurait écrit plusieurs ouvrages inspirés de cette histoire dont un, « Les Enfants du Titanic », en 1998. Charlie a refermé son livre de souvenirs.
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